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Illuminer le secteur sombre de l'univers avec les simulations Raygal

Quel est le lien entre l’univers tel qu’il est et l’univers tel qu’on le voit? A cette question philosophique, la science pourrait apporter un début de réponse grâce à la relativité générale: il faudrait idéalement calculer la propagation de tous les rayons lumineux entre les sources de lumière (étoiles, galaxies, etc.) et nous (observateurs). Une équipe internationale de chercheurs menée par des membres de l’Université de Paris, de l’Observatoire de Paris et de l’Université d’Aix-Marseille, s’est lancée dans ce défi en calculant la trajectoire de milliards de rayons au sein des nouvelles simulations cosmologiques RayGal. L’objectif est de mieux comprendre le secteur sombre de l’Univers.

 

La nature de l’énergie noire et de la matière noire est encore mystérieuse. Les relevés de galaxies en cours et à venir (eBOSS, DES, KIDS, DESI, Euclid, LSST, SKA) vont mesurer la position et la forme apparente de milliards de galaxies avec pour objectif de contraindre la nature du secteur sombre de l’Univers. Pour ce faire, il faut cependant comprendre le lien entre l’univers tel qu’il est (position et forme « réelles » des sources) et l’univers tel qu’on le voit dans les télescopes (position et forme « apparentes» des images). Entre les deux la trajectoire des photons régie par la relativité générale n’est malheureusement pas rectiligne, mais est au contraire défléchie par la courbure de la métrique créée par les grandes structures massives de l’Univers (galaxies, groupes, amas) : on parle d’effets de lentilles gravitationnelles. De la même façon l’énergie des photons est modifiée notamment en fonction de la vitesse (effet Doppler) et du potentiel gravitationnel des sources. En cosmologie les distances sont justement déduites du décalage vers le rouge du spectre des atomes (appelé redshift). Aussi les changements énergétiques vont conduire à des fluctuations de la distance apparente des sources : on parle de distorsions de l’espace des redshifts. Tous ces brouillages liés à la dynamique des photons qui semblent a priori noyer le signal original sont en réalité une source riche d’information sur l’univers car ils dépendent directement de son contenu énergétique et de sa métrique gravitationnelle.

 

Afin d’étudier finement ces effets, une équipe internationale de chercheurs a réalisé de nouvelles simulations cosmologiques de formation des grandes structures appelées RayGal pour deux modèles d’énergie noire différents (le modèle standard et un modèle alternatif). Alliant large volume et haute résolution ces simulations permettent de bien résoudre la courbure de la métrique créée par les galaxies, groupes et amas de galaxies qui sont les principaux déflecteurs pour la lumière. Pour la première fois, des milliards de photons ont été lancés au sein des simulations cosmologiques et leur trajectoire a été calculée finement grâce aux équations de la relativité générale. De plus une nouvelle technique a permis d’identifier les rayons émis par les sources et qui passent exactement par l’observateur. Ainsi les chercheurs ont pu reconstruire précisément l’Univers tel qu’il serait vu par un observateur virtuel situé au sein de la simulation et tenant compte de tous les effets relativistes : effets de lentilles gravitationnelles et distorsions de l’espace des redshifts. Les données uniques de la suite de simulations RayGal sont mises à disposition de la communauté : le champ d’application à l’intersection de la cosmologie, de la relativité générale et des galaxies est très vaste. Elles devraient permettre en combinaison avec les sondages de galaxies à venir, d’y voir un peu plus clair sur la nature du secteur sombre de l’univers…

 

Articles pour le « release » des simulations RayGal :

Rasera, Y., Breton, M.-A., Corasaniti, P.-S., et al. 2021, arXiv:2111.08745, accepté pour publication dans A&A.

https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2021arXiv211108745R/abstract

Breton, M.-A., Rasera, Y., Taruya, A., et al. 2019, MNRAS, 483, 2671. doi:10.1093/mnras/sty3206

https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2019MNRAS.483.2671B/abstract

Site : https://cosmo.obspm.fr/public-datasets/

 

Auteurs correspondants:

Yann Rasera, Laboratoire Univers et Théories, Université de Paris, Observatoire de Paris, Université PSL, CNRS, F-92190 Meudon, France , yann.rasera@observatoiredeparis.psl.eu

Michel-Andrès Breton, Aix Marseille Univ, CNRS, CNES, LAM, Marseille, France, michel-andres.breton@lam.fr

Pier-Stefano Corasaniti, Laboratoire Univers et Théories, Observatoire de Paris, Université PSL, Université de Paris, CNRS, F-92190 Meudon, France,  pier-stefano.corasaniti@observatoiredeparis.psl.eu

Fabrice Roy, Laboratoire Univers et Théories, Observatoire de Paris, Université PSL, Université de Paris, CNRS, F-92190 Meudon, France, fabrice.roy@obspm.fr

Joseph Allingham, Sydney Institute for Astronomy, School of Physics, A28, The University of Sydney, NSW 2006, Australia, jall0809@uni.sydney.edu.au

Vincent Reverdy, Department of Mathematics (DMA), École Normale Supérieure, 45, rue d’Ulm, 75005 Paris, France, vincent.reverdy@obspm.fr

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