-A +A

L’origine des anneaux planétaires enfin expliquée

Une équipe internationale de chercheurs, dont des scientifiques de l'IPGP (CNRS/université Paris Diderot), a récemment développé un nouveau modèle pour expliquer l'origine des anneaux de Saturne, sur la base de simulations numériques. Ces calculs sont également applicables aux autres planètes géantes telles qu’Uranus et Neptune. Ces travaux ont été publiés dans la revue internationale ICARUS.

Les planètes géantes de notre Système Solaire ont des anneaux très divers. L’observation des anneaux de Saturne montre que ceux-ci sont composés à plus de 95% de glace d’eau ce qui les rend très brillants, alors que ceux d’Uranus et de Neptune sont très sombres et peuvent contenir une quantité de roche et de matière organique substantielle, en plus de la glace d’eau. Depuis la découverte des anneaux de Saturne au XVIIème siècle, l’étude des anneaux planétaires a été très active au XXème siècle à partir d’observation depuis le sol et à partir de sondes telles que les missions Voyager ou Cassini. Cependant, l’origine des anneaux et de leur extraordinaire diversité demeure un mystère. 

L’étude récemment publiée porte sur une période très particulière de notre Système Solaire, appelée “Bombardement Tardif” (Late Heavy Bmobardement en anglais) qui a eu lieu il y a environ 4 milliards d’années, quand les planètes Jupiter et Saturne sont entrées en résonance. Elles ont alors très fortement perturbé les orbites des corps du Système Solaires et de nombreux corps de la ceinture de Kuiper (un nuage de corps similaires à Pluton, qui orbitent au delà de Neptune) se sont mis à croiser les orbites des planètes géantes. Beaucoup de ces corps ont alors subis des rencontres très proches avec Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.

Pendant ces rencontres proches, les intenses forces de marées des planètes géantes détruisent, intégralement ou en parties, les corps qui se sont approchés trop prés. A l’aide de simulations numériques, l’équipe de recherche a étudié ce processus de destruction par marées. En fonction de l’orbite du corps s’approchant, une grande variété de résultats sont possibles. L’équipe a calculé à l’aide des simulations qu’entre 0.1 et 10% de la matière du corps approchant peut être arrachée par les marées lors d’une rencontre proche. Le reste du corps repart au loin dans le Système Solaire. Les débris arrachés forment alors un nuage de particules autour de la planète géante. Ensuite ce nuage de débris s’aplatit progressivement sous l’effet des collisions et finit par donner un anneau constitué de petites particules (de quelques mm à quelques mètres, voir figure 2b et 2c).
 

Figure 2 : Schémas montrant le processus de capture des anneaux par effets de marée. Le cercle pointillé montre la limite de Roche, la région à l’intérieur de laquelle un objet passant est détruit par les marées. (a) un corps passe au voisinage de la planète (de bas en haut ici) et est déformé et détruit par les marées (b) les débris capturés par les marées se mettent sur des orbites très allongées (c) les orbites se désalignent autour de la planète et forment un disque (c) les débris forment finalement un anneau.



Un des aspects particulièrement intéressant de ce modèle est qu’il peut expliquer la différence de composition entre les anneaux de Saturne (principalement constitués de glace) et ceux d’Uranus et Neptune (qui semblent contenir une part importante de roche). Comme Uranus et Neptune (de densité moyenne 1.27 et 1.64 g/cm3) sont beaucoup plus denses que Saturne (de densité moyenne 0.69g/cm3), un corps qui rencontre Uranus et Neptune peut pénétrer beaucoup plus profondément dans le champ de gravité de la planète  (sans tomber dans son atmosphère) que dans le cas de Saturne. Ainsi les forces de marées ressenties au voisinage d’Uranus par exemple, sont comparativement beaucoup plus intenses que dans le cas de Saturne. Si un objet de la ceinture de Kuiper a une structure différenciée (comme la Terre) avec une croute de glace et manteau ou un noyau de roche, la croute de glace sera principalement fracturée lors d’un passage au tour de Saturne, alors que dans le cas d’Uranus et Neptune, le manteau, le cœur de roche, sera possiblement détruit et capturé. En conséquence,  alors que des anneaux de glace seront formés autour de Saturne, des anneaux de roche et de glace seront capturés autour d’Uranus ou de Neptune. 

Malgré toutes ses qualités ce modèle n’explique pas aisément certaines propriétés des anneaux, en particulier le fait que tous les anneaux tournent dans le même sens (i.e ils tournent tous dans le même sens que leur planète). Ce modèle de capture par marée implique que statistiquement autant d’anneaux devraient tourner dans un sens que dans l’autre. L’équipe étudie donc maintenant la géométrie des rencontres pour expliquer ce fait.

Ces nouveaux résultats montrent que les anneaux des planètes géantes sont sûrement un sous-produit naturel de la formation des planètes géantes. Il est ainsi très possible que les planètes orbitant autour d’autres étoiles, les exoplanètes, puissent avoir des anneaux. Un gigantesque système d’anneaux autour d’une exoplanète géante a d’ailleurs été récemment découvert. D’autres découvertes de systèmes d’anneaux autour d’exoplanètes permettront de mieux comprendre l’origine des anneaux dans l’Univers
 
Crédit photo : 
Image de Saturne et de ses anneaux prise par la mission CASSINI (NASA/JPL/CALTECH/SSI)
Auteurs et titre original :
Ryuki Hyodo, Sébastien Charnoz, Keiji Ohtsuki, Hidenori GendaLes auteurs sont Ryuki Hyodo (Kobe University, Institut de Physique du Globe), Sébastien Charnoz (Professeur à l’Université Paris Diderot, Institut de Physique du Globe) Professeur Keiji Ohtsuki (Université de Kobe) and Professeur Hidenori Genda (ELSI institue, Tokyo institute of Technology).
Ring formation around giant planets by tidal disruption of a single passing large Kuiper belt object
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0019103516305747

Mots clés >