Rencontre
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Jean-Jacques Szczeciniarz : les chiffres et les lettres

Jean-Jacques Szczeciniarz, directeur du département Histoire et Philosophie des Sciences de l’Université Paris Diderot et membre du laboratoire SPHERE, a reçu le Grand prix Georges Charpak de l’Académie des sciences. Cette distinction est l’occasion de revenir sur le parcours et les travaux de ce chercheur qui a la particularité d’être philosophe et mathématicien.

Qu’avez-vous ressenti lorsque l’on vous a remis le Grand prix Georges Charpak ?

Jean-Jacques Szczeciniarz : J’étais heureux, le moment était très solennel, le président de l’Académie des sciences en uniforme, le roulement des tambours de la Garde républicaine sous la coupole de l’Institut… Un prix est la reconnaissance du travail fourni, ce n’est pas si courant dans la communauté scientifique.

Selon vous, pourquoi avez-vous été distingué ?

Jean-Jacques Szczeciniarz : Ce prix récompense mes travaux sur l’histoire de la cosmologie et mes recherches récentes sur les œuvres de deux mathématiciens, Gauss et Grothendieck. On m’a dit que j’étais l’un des rares philosophes français à comprendre les mathématiques contemporaines.  Je dois remercier tous mes collègues scientifiques pour leur aide dans ces travaux.

Etre philosophe et mathématicien, c'est un profil rare ?

Jean-Jacques Szczeciniarz : Effectivement, la tradition chez les philosophes français de s’intéresser aux sciences dures s’est perdue après la deuxième guerre mondiale. A l’exception de la tradition des Bachelard, Canguilhem, Desanti… qui elle aussi n’est plus sur la scène depuis les années 80. Pour de multiples raisons, la philosophie s’est éloignée de la culture scientifique vivante. Aujourd’hui, j’observe parfois une certaine défiance entre les deux communautés. J’ai  entendu un mathématicien connu dire que la philosophie était « toxique ». Et pour les philosophes, il est difficile d’accepter les arguments des sciences qu’ils voient comme arguments d’autorité, eux qui défendent la réflexion critique.

Décrivez-nous votre quotidien d’enseignant-chercheur ?

Jean-Jacques Szczeciniarz : Après avoir enseigné à l’université de Nanterre puis de Bordeaux, je suis revenu comme professeur à Paris Diderot pour créer le Département d’Histoire et Philosophie des sciences avec l’aide de collègues prestigieux. Dix ans plus tard, malgré les difficultés, le Master attire des étudiants du monde entier et est considéré comme une référence. La direction du Département me prend beaucoup de temps mais je conduis en parallèle plusieurs projets de recherche au sein du laboratoire SPHERE. Je dirige un groupe de recherche sur la philosophie des mathématiques et me passionne pour la géométrie complexe où j’ai commencé à travailler. Les œuvres de Roger Penrose, de Gauss, de Grothendieck, d’Evariste Galois continuent de me fasciner. Je suis en fin de carrière universitaire mais il me reste tant d’auteurs et de théories à explorer… 

 

Laboratoire

Laboratoire Sciences - Philosophie - Histoire

L’unité SPHERE (Sciences, Philosophie, Histoire) est née en 2009 de la réunion de deux UMR : le CHSPAM (Centre d’Histoire des Sciences et des Philosophies Arabes et Médiévales) et REHSEIS.